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Noël païen, ou l’art de célébrer ce que l’on a déjà oublié

Noël païen : fête sans Christ, sans sens stable, mais pleine de rites recyclés. Un refus des codes qui en recrée d’autres, entre simulacre et tradition vidée.

Noël païen : fête sans Christ, sans sens stable, mais pleine de rites recyclés. Un refus des codes qui en recrée d’autres, entre simulacre et tradition vidée

Noël païen. L’expression claque comme une provocation molle, un oxymore de salon chauffé à l’électricité verte. Noël sans le Christ, mais avec des cadeaux, du Coca-Cola, un Saint-Nicolas-de-Bourgueil correctement chambré, et une playlist vaguement consensuelle hurlant la joie obligatoire. Personne ne voit vraiment le problème, ni même le lien. Le Père Noël n’a jamais rencontré Jésus, les cadeaux n’ont aucun fondement théologique solide, et la boisson brune gazeuse relève davantage du baptême industriel que du sacrement. Pourtant, tout tient. Ou plutôt tout flotte, dans cette brume tiède de simulacres où l’on célèbre sans savoir quoi, mais avec une intensité rituelle intacte.

Le paganisme contemporain n’est pas un retour aux forêts sacrées ni aux dieux anciens. Il est une déliaison tranquille, une émancipation sans courage, un détachement mou. Noël païen, ce n’est pas refuser le mythe, c’est le vider de son contenu tout en conservant ses gestes. On garde la date, on supprime le sens, on ajoute du packaging.

Refuser les codes, en produire d’autres

Noël païen se donne des airs de pied de nez. On s’affiche refuznik, iconoclaste, affranchi des dogmes, délivré de la crèche et de la transcendance. On croit refuser un récit, mais on en installe dix autres, tout aussi contraignants. Le pull moche devient obligatoire, la transgression devient norme, l’ironie devient liturgie. Le refus se codifie. Le détournement se ritualise. Le simulacre se reproduit à l’identique, année après année, avec la même ferveur que les messes d’antan.

Ce Noël-là n’est pas moins religieux que l’autre. Il est religieux autrement. Il adore la marchandise, la convivialité forcée, l’authenticité performée. Il sacralise le moment, non pour ce qu’il signifie, mais pour ce qu’il permet d’afficher : un art de vivre, une distance critique, une supériorité symbolique sur ceux qui croient encore naïvement.

Barbecue républicain et saucisse conceptuelle

Fêter Noël païen, c’est un peu comme organiser un barbecue de saucisses casher ou halal pour la Saint-Jean. Techniquement faisable. Symboliquement absurde. Mais l’absurde est précisément devenu la matière première de la modernité festive. On célèbre tout avec tout, sans hiérarchie, sans mémoire, sans contradiction assumée. Le 14 juillet n’est plus la Révolution française, c’est une grande opération commerciale avec feux d’artifice sponsorisés. Dans quelques années, 1789 sera un logo vintage. Alors la naissance du Christ, pensez donc.

La fête survit à son contenu. Elle mute, se dépolitise, se désacralise, puis se re-sacralise sous une autre forme. Ce n’est pas la perte du sens qui inquiète, mais sa recyclabilité infinie. Tout peut devenir fête. Tout peut devenir produit. Tout peut devenir décor.

Vers un Noël laïc et républicain

La question se pose donc sérieusement, avec le sérieux grotesque qu’elle mérite : à quand un Noël laïc et républicain ? Un Noël de l’alter vérité, certifié neutre, inclusif, déthéologisé, mais chargé de valeurs officiellement validées. Un Noël sans Dieu, sans mystère, mais avec des éléments de langage. Un Noël version Trump, où chacun célèbre ce qu’il veut tout en affirmant que c’est la seule vraie version.

À l’autre extrémité, certains chantent « Noël chrétien ». Pléonasme inquiet. Comme s’il fallait désormais rappeler l’évidence pour s’en convaincre soi-même. Comme si la répétition du mot pouvait conjurer la disparition du sens. Là encore, la ritualisation est défensive. On affirme pour ne pas céder. On nomme pour ne pas perdre.

Noël païen n’est donc ni un scandale ni une libération. Il est le symptôme tranquille d’une époque qui ne sait plus très bien ce qu’elle célèbre, mais qui refuse obstinément de renoncer à célébrer.

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