Ma mission : en vacances pendant les fêtes, entre Noël et le jour de l’an, dans ce qui s’avérera être un désert médical, me trimbaler une toux, une affection ORL et de la fièvre, que je vais chercher à soigner. Armée d’une patience de camélidé, je commence mes pérégrinations, à la recherche d’un soignant. Contraintes à respecter : ne pas se victimiser ni faire preuve d’incivilité.
Action 1 : obtenir un RDV chez un médecin
Connectée à Doctoubib (en zone 3G oui, 3G, quasi blanche), je constate qu’aucun RDV n’est possible avant la semaine suivante. Question gestion de l’urgence pour mon truc ORL que je sens sourdre, c’est mal parti…
Je trouve ensuite les coordonnées téléphoniques d’un centre médical que je contacte par téléphone (archéo, le numéro de bigo est pourtant bienvenu !). Je raccroche après 10 mn tout rond d’attente. Je rappelle, obstinée. Quelques minutes plus tard une personne charmante précise qu’avec les fêtes et les fermetures de cabinets, avec la carte Sentinelles ayant viré au rouge vif dans la région… elle ne dispose pas de RDV avant plusieurs jours, voire uniquement à partir de la semaine de rentrée…
Je suis dépitée et je pense au pire : l’absence de solution de soin.
Je songe aussi que je me trouve dans un désert médical (voir la carte ci-dessous), ce qui ne fait qu’accentuer la pénurie de RDV.
Je me retrouve seule, livrée à moi-même, dans ce que je prends pour une fatalité économique ou un manque d’intérêt politique pour les sujets de santé dans les territoires excentrés (là où je me trouve le péri urbain est loin…).
Ralativisons… Bon, d’accord, mon souci ORL n’est pas non plus hyper urgent. Sa gravité est très moyenne voire faible. Surtout comparée aux pathologies de saison : entaille à la main après s’être débattu avec des huitres, intoxication alimentaire ou surcharge hépatique, bras cassé après avoir glissé sur le trottoir, main brûlée dans la cheminée après avoir tenté de rattraper le Père Noël, convulsion et œdème de Quincke suite aux propos du tonton raciste, etc. Des « vrais » trucs.
Et là, me vient à l’esprit une étude menée par l’Ifop pour Biogaran en mai 2024, sur les comportements des jeunes Français âgés de 15 à 24 ans face à l’achat de médicaments sans ordonnance (ça me permet de me rajeunir).
Les résultats révèlent que 42 % des jeunes de cette tranche d’âge achètent régulièrement des médicaments sans prescription, un chiffre supérieur à la moyenne nationale de 35 %. Ces jeunes cherchent principalement à soulager des douleurs diverses (95 %), la toux (94 %) comme moi, ou des troubles cutanés et des allergies, mais également à gérer des problématiques de santé mentale comme le stress (59 %) ou l’anxiété (pas moi).
L’étude met aussi en lumière un comportement pragmatique : ces produits sont utilisés comme alternative en cas de délais de consultation prolongés (64 %) ou d’impossibilité de financer une visite médicale (44 %). Ce constat reflète les adaptations d’une génération soucieuse de combiner efficacité, rapidité et budget limité.
Ma décision est donc prise : je passe à l’automédication.
Action 2 : obtenir les médicaments sans ordonnance
Je passe une horrible nuit à tousser comme une catarrheuse.
Réveillée, froissée, fripée et la voix éraillée, la face sensible au froid et aux courants d’air, je me rue à la pharmacie pour mes emplettes d’automédication.
Je rafle du paracétamol, un sirop contre la toux sèche (qui s’avérera être une tuerie d’efficacité, certes son goût était absolument dégueu), et je me prépare mentalement à préparer des litres d’eau salée pour nettoyer mon nez, sans compter les tisanes. Je pense avoir un package complet, quand la pharmacienne me suggère d’utiliser un dispositif de téléconsultation, ouvrant une autre piste, proposant une autre solution, que je me décide d’emprunter.
Une intéressante et naturelle alternative à la tisane pour soigner ses maux ORL dans un désert médical : le thé au Sahara.
Je prends alors RDV via Doctoubib (on va pas non plus faire multiplement leur pub), si c’est pas du monopole, ça… pour 17h15.
Une 3e action se profile donc…
Action 3 : obtenir une télé consultation
Je me repointe à la pharmacie à 17h15, pour mon télé RDV.
Là, il m’est dit qu’en fait, compte tenu du nombre de personnes ayant pris RDV, qu’il faut s’enregistrer (un peu comme dans les files à la Sécu ?), pour ensuite pouvoir avoir la consultation 1h15 à 1h45 plus tard…
Donc, direction un café, fiévreuse, à attendre 75 mn…
Retour à la croix verte. Je patiente encore 30 mn.
Puis c’est à moi !
Consultation de 5mn seulement avec un médecin de Paris (peu importe) qui me demande pourquoi je ne consulte pas mon doc référent (il est peut-être ignorant en géographie). Quelques télé-mesures basiques (tension, pouls…) ayant été prises, ne pouvant procéder à des palpations (je croyais que c’était un peu clé pour les sinusites, mais il est vrai que je ne suis pas médecin, ce qu’il me fait remarquer…), sans m’écouter, sans rien expliquer, le doc 2.0 me délivre une ordonnance basique mais en lien avec mes précédentes prescriptions. Une sorte d’arme de destruction massive à spectre large.
Mais quel contact déplorable… Quelle expérience de soin de faible teneur ! Quel simulacre de médecine dans lequel la relation thérapeutique est un canal vide, depuis l’insertion de la carte vitale jusqu’à la réception de l’ordonnance. Une ubérisation de l’âme même du soin. Mais il est vrai que je ne suis pas médecin 😉
Preuve que le désert ça n’existe pas que depuis Véran.
Exténuée par ces temps d’attentes, le froid, une fièvre bondissante, une toux en mode quinte+ (qu’on appelle toux de cheval), munie de mes médocs, j’achève ainsi la 3e action de cette périlleuse mission.
J’ai expérimenté un désert médical en période de surchauffe grippale et festive. Pas le meilleur moment, certes.
Je suis une warrior… comme des milliers de français qui ont dû se débrouiller pendant les fêtes. Et des millions d’autres pour lesquels cette problématique est quotidienne. Sans compter les 6 ministres de la Santé en 6 ans, et la pénurie de médicaments (comme pour l’Augment1* il y a quelques mois), serpent de mer dans les eaux troubles de la santé…
Allez, bonne année… « Et la santé, hein ! »
***
(c) Ill. têtière : DALL·E 2024-12-30 13.48.45 – A panoramic image illustrating self-medication for ENT (ear, nose, and throat) ailments. The scene includes over-the-counter medications, a herbal tea. Visuel du fond : Maître des demi-figures, Lucrèce
(c) Sur l’automédication, Communique-de-presse-Ifop-pour-Biogaran-Mai-2024-REV.pdf
(c) Visualisation de la densité des professionnels de santé, 2024 : C&D https://cdonline.articque.com/share/display/professionnels-de-sante
(c) Carte « Infection respiratoire aiguë », au 22 déc. 2024, https://www.sentiweb.fr/
(*) Pour des raisons de non-placement produit, le nom de ce médicament a été supprimé. Mais continuez à vous faire livrer vos médicaments par éléphant rose.
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