68 ans après le terrible hiver de 1957, un homme affirme être le fils caché de l’abbé Pierre. Sa mère ? Une femme morte sur le pavé glacé du boulevard de Sébastopol.
L’histoire est celle d’un bébé, né en janvier 1957, au cœur d’un hiver si cruel que les Parisiens n’osaient plus sortir sans frissonner jusqu’à l’âme. Un hiver où l’on mourait, dehors, sur les trottoirs, dans le silence glacé d’un monde qui passe. Un hiver où, dans un cri désormais historique, l’abbé Pierre lançait son fameux appel : « Mes amis, au secours… »
Or, dans ce Paris transi, une femme, recroquevillée derrière une porte sur laquelle on avait cloué un avis d’expulsion, avait cessé de lutter. Elle est morte là, anonyme, sur le boulevard de Sébastopol. Un drame parmi tant d’autres ? Pas tout à fait.
Car voici que soixante-huit ans plus tard, un homme pousse la porte de la rédaction de Pr4vd4. Il tremble — d’émotion ou de vérité ? Il dit : « Cette femme, c’était ma mère. Et l’abbé Pierre était mon père. »
Coup de tonnerre dans l’histoire de l’abbé. Celui qu’on croyait tout donné au peuple, tout tourné vers Dieu et les miséreux, aurait laissé derrière lui, dans les bras d’une femme sans toit, la chair de sa chair. L’enfant qu’il implorait qu’on ne laisse pas dormir sous un pont… c’était peut-être le sien.
Le bébé fut recueilli, discrètement. Un ouvrier l’aurait confié à une institution religieuse. L’homme aujourd’hui, cheveux grisonnants, voix douce, a longtemps tu sa quête. C’est une vieille coupure de presse, montrant un bébé enroulé dans une couverture sur le quai gelé du métro Strasbourg-Saint-Denis, qui l’aurait bouleversé. Il a cherché. Et il a trouvé. Une photo, un nom griffonné au dos : « Henri, pour toi. »
Henri. Henri Grouès, dit l’abbé Pierre.
« Cette femme, c’était ma mère. Et l’abbé Pierre était mon père. »
Faut-il y croire ? Le visage de l’homme rappelle étrangement celui de l’abbé, les mêmes yeux fiévreux, la même barbe en poivre et sel. Il parle peu de sa mère, sinon qu’elle venait du Sud, qu’elle était “perdue”, “douce”, “fière”. Une de ces figures de roman naturaliste que la misère broie sans merci.
Et lui ? Lui a grandi entre silence et soupçons. Il n’a pas cherché à revendiquer quoi que ce soit. Mais aujourd’hui, il veut savoir. Non pas pourquoi il fut abandonné, mais comment un homme qui parlait au nom des pauvres a pu, peut-être, laisser l’un des siens rejoindre la cohorte des oubliés.
La figure de l’abbé Pierre, si souvent présentée comme celle d’un saint laïc, en ressort-elle écornée ? Ou simplement… humaine ? Une dualité qui fascine : le pasteur des cœurs, capable d’élans universels, mais aussi d’ombres privées. Une contradiction typiquement française, où le héros est toujours un peu coupable, et l’homme d’église jamais loin du pécheur.
Dans les jours à venir, des tests ADN pourraient être réalisés. Mais qu’importent, peut-être, les résultats scientifiques. Car dans ce récit, tout est déjà là : l’hiver, le bébé, la mère morte sur le bitume et la légende, déchirée d’un mot en creux : père.
(c) Ill. têtière : Pr4vd4.net

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