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Apollon était un criminel et un gros dégueulasse

Derrière la lyre et la lumière, Apollon traque, tue et se venge : un dieu antique au casier moral lourdement chargé

Derrière la lyre et la lumière, Apollon traque, tue et se venge : un dieu antique au casier moral lourdement chargé

Sous son vernis de dieu solaire, patron des muses et des lyres (délires ?) bien accordées, Apollon cache un pédigrée de délinquant multirécidiviste. Le dieu grec, que l’on imagine volontiers bogosse, torse nu, assis dans la lumière dorée d’un vers d’Homère, est en réalité une figure de violence, d’orgueil et de harcèlement. Derrière les hymnes, les oracles et les statues, c’est un type à qui on devrait interdire d’approcher un mortel à moins de cent stades.

Le harceleur en chef de l’Olympe

Il faudrait un jour écrire une « Histoire des plaintes classées sans suite chez les dieux de l’Olympe ». Apollon y aurait son propre chapitre, avec une annexe pour les femmes transformées en arbre ou foudroyées au troisième acte. Car Apollon, quand il aime, il poursuit, il insiste, il menace. L’un de ses plus célèbres forfaits concerne la nymphe Daphné. Dans les Métamorphoses d’Ovide, le dieu, frappé d’une flèche d’or décochée par Cupidon, devient fou de désir. Daphné, elle, reçoit une flèche de plomb, qui lui inspire l’exact contraire. Ce que fait Apollon ensuite ? Il court après elle, sans relâche, jusqu’à ce que Daphné supplie son père, le dieu-fleuve Pénée, de l’enraciner pour de bon. Ce qu’il fait. Daphné devient un laurier. Apollon en cueille les feuilles et en fait sa couronne. Amour non réciproque, poursuite à travers la forêt, puis fétichisation post-mortem : l’affaire est complexe…

Éros, alias Cupidon, avait décoché ses flèches par vengeance, Apollon s’étant moqué de lui. Dans un accès d’arrogance tout olympien, il lui avait lancé : « L’arc n’est pas pour toi, garnement, mais pour moi qui ai terrassé Python. » La suite fut un cas d’école de retournement de flèches.

Apollon, le dieu qui crachait dans la bouche des femmes

Mais Daphné ne fut pas la seule à subir les avances d’un dieu dont la pudeur n’était pas la qualité dominante. Prenez le cas de Cassandre. Fille de Priam, elle séduit Apollon, ou du moins l’intéresse suffisamment pour qu’il lui offre le don de prophétie en échange de faveurs sexuelles. Cassandre accepte le don, mais pas le contrat : elle refuse de se donner à lui. Apollon, mauvais joueur et fort peu délicat, lui crache alors dans la bouche. Un petit geste divin, lourd de conséquences : désormais, elle prophétisera toujours vrai, mais personne ne la croira jamais. Une punition qui relève moins de la tragédie grecque que d’une vengeance de collégien humilié.

Hygin, dans ses Fables, est explicite sur ce point. Et l’on ne peut que constater que le dieu des arts manie l’ostracisme sexuel avec autant de brio que la lyre. Cassandre portera jusqu’à sa fin l’empreinte d’un pacte rompu avec un dieu qui ne supporte pas qu’on lui dise non.

Les amours violentes et la famille dysfonctionnelle

Apollon, comme bien des divinités grecques, confond souvent passion et destruction. Coronis en est un autre exemple tragique. Apollon s’éprend de cette mortelle, qu’il met enceinte. Mais Coronis couche aussi avec un autre mortel, Ischys. Un corbeau informe Apollon de la trahison. Le dieu, furibond, fait tuer Coronis — selon les versions, par lui-même ou par Artémis — et change la couleur du corbeau (noir, pour les mauvaises nouvelles). Pris de remords, Apollon récupère l’enfant qu’elle portait, Asclépios, et le sauve in extremis en le retirant de son ventre calciné.

Le mythe, rapporté notamment par Pindare (Pythiques, III), oscille entre l’horreur clinique et le polar familial. Si les détails varient, la structure reste : Apollon tue celle qu’il a fécondée, puis sauve son propre enfant à travers une césarienne post-mortem. On a vu plus tendre.

Quand Apollon s’attaque aux artistes

Mais Apollon ne se contente pas d’humilier les femmes ou de tuer les mères de ses enfants. Il s’en prend aussi aux artistes qui osent rivaliser avec lui. Le satyre Marsyas, ayant trouvé la flûte inventée par Athéna, devient si bon musicien qu’il défie Apollon à un concours. L’idée, narrée par Pausanias et Ovide, aurait pu donner lieu à un échange fécond entre deux esthétiques. Au lieu de cela, Apollon triche (il joue à l’envers et exige que Marsyas en fasse autant), gagne, puis le fait écorcher vif. Littéralement.

Il faut imaginer un dieu des arts plastiques infligeant à un street artiste une peine de l’Inquisition. L’histoire, loin d’être édifiante, souligne le côté totalitaire du dieu solaire : il n’y a de beauté que celle qu’il décide, et gare à ceux qui jouent plus juste que lui.

Un déicide impulsif, condamné au service civique

Enfin, rappelons qu’Apollon, dans un moment de deuil, commit un meurtre pur et simple. Lorsque Zeus foudroya Asclépios pour avoir ressuscité un mortel, Apollon, pris de rage, tua les Cyclopes — artisans des foudres de Zeus. Un geste de vengeance mal calibré, qui provoqua la colère du roi des dieux. Apollon fut condamné à servir un mortel pendant un an : Admète, roi de Phères. Admettez qu’il y a des gars plus sympas…

Callimaque et Euripide rapportent cette période, curieuse, où le dieu se retrouve berger chez un roi thessalien. Il s’y montre d’ailleurs exemplaire, rendant les troupeaux féconds, rattrapant le karma. Mais l’idée qu’un dieu, ayant tué des forgerons célestes, soit puni par un an d’agriculture intensive chez un souverain rural, a de quoi faire sourire. Le code pénal divin est, décidément, très souple.

Apollon, loin d’être un parangon de vertu, coche toutes les cases du harceleur antique. Il traque, il viole, il tue. Il se venge quand on le repousse, il triche quand on le défie. S’il vivait aujourd’hui, il aurait un bracelet électronique, une ordonnance d’éloignement, et probablement un procès au pénal pour outrage à la mythologie. Un peu comme Zeus, mais c’est une autre histoire.

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