кulture

Exposition – L’intime au Musée des Arts Décoratifs

L'exposition "L'intime" au musée des Arts décoratifs : 470 œuvres dévoilent l'évolution fascinante de l'intimité, de la chambre aux réseaux sociaux

L’exposition « L’intime » au musée des Arts décoratifs : 470 œuvres dévoilent l’évolution fascinante de l’intimité

Que reste-t-il de l’intime à l’heure des réseaux sociaux ? L’exposition L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux au Musée des Arts Décoratifs éclaire cette notion universelle à travers 470 œuvres, révélant son histoire, ses mutations et ses paradoxes, de la pudeur bourgeoise à l’exposition numérique.

Derrière la serrure : un parcours fascinant de l’intime

À l’entrée du musée des Arts décoratifs, le visiteur est accueilli par un immense trou de serrure, symbole d’un voyage inédit dans les profondeurs de l’intimité humaine. L’exposition L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux, qui se tient jusqu’au 30 mars 2025, invite à explorer la manière dont l’intime s’est construit, exposé, transformé au fil des siècles. Des peintures aux objets du quotidien, des chambres aux écrans numériques, ce sont plus de 470 œuvres et artefacts qui esquissent une histoire culturelle et sociale d’une notion aussi universelle que mouvante. Mais que signifie vraiment l’intime ? Et qu’advient-il de lui dans notre époque hyperconnectée ?

De l’intime physique à l’intime psychique : une épopée historique

Le mot « intime », tiré du latin intimus signifiant « ce qui est le plus à l’intérieur », émerge en France au XVIIIe siècle pour désigner ce qui relève de la vie privée. Cette exposition ambitieuse du musée des Arts décoratifs retrace cette notion, entre pudeur et exhibition, à travers quatorze thématiques organisées dans une scénographie immersive.

Dès le XVIIIe siècle, l’intime se construit dans un rapport ambigu entre visible et caché. À cette époque, uriner en public à l’aide du bourdaloue ou se coiffer dans un salon entouré de domestiques n’a rien de scandaleux. Pourtant, cette perception évolue rapidement au XIXe siècle, où l’émergence de la bourgeoisie impose une stricte séparation entre les sphères publique et privée. Les lieux de commodité, naguère visibles, se transforment en espaces discrets, comme en témoignent les bidets et cabinets d’aisance présentés dans l’exposition, illustrant l’invention moderne de l’hygiène.

Les peintres du XIXe siècle, à l’instar d’Édouard Vuillard et Edgar Degas, célèbrent cette intimité naissante dans des intérieurs bourgeois, souvent symbolisés par des fenêtres entrouvertes. Ces œuvres laissent entrevoir un monde en transition, où la femme, cantonnée à son rôle domestique, trouve un espace d’expression dans la sphère privée. Ce n’est qu’avec les mouvements féministes du XXe siècle que cette conception se fissure, ouvrant la voie à des représentations plus libres et diversifiées.

Evan Baden, Emily, 2010. Courtesy de l'artiste
Evan Baden, Emily, 2010. Courtesy de l’artiste

Une chambre à soi : refuge, théâtre, espace de vie

Exposition L'intime, au MAD : impressionnante vitrine de sex-toys, reflétant leur évolution d’accessoires tabous à des objets de design courants
Exposition L’intime, au MAD

« La chambre à coucher », concept qui n’apparaît qu’au XVIIIe siècle, devient au fil du temps un lieu de refuge et de création. De la chambre d’apparat aristocratique au lit clos breton en passant par les lits en fer forgé du XIXe siècle, l’exposition présente une multitude de mobiliers qui reflètent les aspirations de chaque époque.

Dans ce cadre, le lit se révèle un protagoniste majeur de l’intimité : il est le théâtre des joies et des peines, un espace d’évasion et de réflexion. L’écrivain Georges Perec y imagine l’univers mélancolique d’Un homme qui dort, tandis que l’artiste Nan Goldin capture des instants de vulnérabilité et d’amour dans ses photographies autobiographiques (Empty beds, Clemens et Jens…). Aujourd’hui, la chambre se réinvente encore avec des technologies connectées, symbolisées par le lit intelligent d’Hella Jongerius, Bed in business, exposé comme une métaphore des nouveaux rapports entre l’homme et le numérique.

Du bain à la beauté : un corps en constante réinvention

L’eau, longtemps redoutée pour ses supposés miasmes, devient au XIXe siècle synonyme de pureté et de modernité. La salle de bain, introduite comme un luxe réservé à l’élite, se démocratise progressivement après les années 1950. Ce changement est brillamment illustré par une série de baignoires allant des modèles en zinc d’autrefois aux luxueux exemplaires en céramique. Les œuvres de Degas, comme Femme assise sur le bord d’une baignoire et s’épongeant le cou, saisissent avec délicatesse ces moments d’intimité quotidienne.

Le parcours s’étend également à la quête de beauté, explorant des objets du XVIIIe siècle comme les boîtes à mouches ou les coiffeuses, jusqu’aux innovations actuelles telles que les masques LED. Une attention particulière est portée aux parfums, témoins olfactifs de nos relations à l’autre, avec des créations emblématiques d’une douzaine de marques de parfums (nous ne faisons pas de placement produit).

La culture en feuilles

  • Betty Friedman, La Femme mystifiée, 1963
  • Germaine Greer, La femme eunuque,1970
  • Shere Hite, Le rapport Hite, 1976
  • Laura Mulvey, Au-delà du plaisir visuel, 1975, texte polémique qui met en lumière la manière dont la forme filmique serait structurée par l’inconscient de la société patriarcale

Sexualité et intimité : entre désir et tabou

Au cœur de l’exposition, les thématiques de l’érotisme et de la sexualité interrogent les transformations des mœurs. Le célèbre Verrou de Fragonard, exposé aux côtés de livres libertins du XVIIIe siècle, évoque une sensualité codifiée par le regard masculin. Ce « male gaze » est mis en perspective avec des œuvres contemporaines, telles que les photographies de Zanele Muholi ou Nan Goldin, qui célèbrent l’intimité sous toutes ses formes, des relations homosexuelles à la diversité des corps.

Les objets liés à la sexualité ne sont pas en reste, avec une généreuse vitrine de sex-toys (Pr4vd4 salue au passage Google le puritain), reflétant leur évolution d’accessoires tabous à des objets de design courants et mettant en lumière comment ces innovations participent à la déconstruction des stéréotypes et à une meilleure acceptation de toutes les sexualités.

La chambre connectée : l’intime à l’ère numérique

Gaetano Pesce, La Mamma, Donna, UP5-6, 1969. Paris, Musée des Arts Décoratifs
Gaetano Pesce, La Mamma, Donna, UP5-6, 1969. Paris, Musée des Arts Décoratifs

Dans une société saturée par les écrans, l’intime se redéfinit constamment. Des premières expériences de solitude musicale offertes par le Walkman de Sony à l’explosion des réseaux sociaux, l’exposition explore cette mise en scène permanente de soi. Les œuvres d’Evan Baden, comme Emily, montrent les dangers et les paradoxes de cette exposition de l’intime, où la recherche de validation sociale côtoie la perte de vie privée.

Le parcours s’achève avec des objets de surveillance tels que des drones ou des caméras cachées, questionnant les frontières de notre intimité à l’heure de l’intelligence artificielle et des données personnelles ; puis par l’intime précaire rappelant que l’intime est relié aux objets basiques du quotidien peuplant un endroit sûr. Avec, pour méditer sur le sujet, un banc anti-SDF, que l’on peut qualifier de mobilier urbain hostile.

L’intime ultime : se retrouver face à soi-même

Si l’exposition commence par un regard sur l’intime collectif, elle s’achève sur une réflexion plus introspective. Des journaux intimes du XIXe siècle aux blogs modernes, l’intime ultime demeure cette conversation avec soi-même, cet espace intérieur qui, malgré les intrusions extérieures, reste inviolable. Une salle dédiée présente des œuvres telles que celles de Thomas Hirschhorn, qui invitent à redécouvrir cette richesse intérieure à l’ère de l’hyperconnexion.

L’intime : une réflexion universelle et contemporaine

L’intime, de la chambre aux réseaux sociaux n’est pas seulement une exposition d’objets et d’œuvres ; c’est une exploration profonde des transformations sociétales qui amène le visiteur à se confronter à une question essentielle : que reste-t-il de l’intime dans un monde où les frontières entre public et privé s’effacent ? Cette exposition du musée des Arts décoratifs nous pousse à reconsidérer nos rapports au corps, à l’autre, et à nous-mêmes.

***

(c) Evan Baden, Emily, 2010. Courtesy de l’artiste

(c) Canard (non accessible ni vendu à la boutique du MAD) : DALL·E 2024-12-10 18.08.51 – A whimsical 4×3 illustration of a yellow plastic duck on a dreamy, surreal background. The duck is vibrant, shiny, and cheerful

(c) Gaetano Pesce, La Mamma, Donna, UP5-6, 1969. Paris, Musée des Arts Décoratifs

La bonne pub sur Pr4vd4.net
Cliquez pour commenter

Warning: Undefined variable $user_ID in /home/clients/7a41c44244986743454d6d9d6f1890e1/sites/pr4vd4.net/wp-content/themes/flex-mag/comments.php on line 49

Vous devez être connecté pour poster un commentaire Login

Leave a Reply

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Vers le haut