Dans un élan freudien de déni générationnel, François Bayrou, boomer patenté et Premier ministre par intérim, a jeté l’anathème sur ses pairs : les boomers seraient les grands coupables de la dette publique, ayant festoyé sur le dos des jeunes. Inspiré d’une sociologie de comptoir, où Bourdieu rencontre les comptes de la nation, Bayrou illustre parfaitement l’adage philosophique de Hegel sur la dialectique maître-esclave – ici, les vieux contre les jeunes. Mais en insultant sa propre cohorte, il dévoile un complexe d’infériorité…
Rencontre avec trois couples de boomers, archétypes d’une France laborieuse, qui, au micro tendu, expriment leur stupeur. Car pourquoi diviser, comme le ferait un Machiavel low-cost, selon l’âge, la religion ou la possession d’un Duster* ?
Michel et Jacqueline, Charentes : le rail de la rancœur
À Cognac, dans les Charentes où le pineau coule comme les souvenirs, Michel, retraité de la SNCF après quarante ans à veiller sur les voies ferrées, et Jacqueline, ancienne ouvrière qualifiée en agroalimentaire, nés tous deux dans les années 40, nous reçoivent dans leur maisonnette aux volets verts. Michel, avec son béret vissé comme un symbole proustien du temps perdu, ajuste ses lunettes Sécu pour mieux scruter l’horizon. « François Bayrou ? Ce type-là, il nous traite de boomers comme si c’était une injure venue d’un film de Godard ou sortie de la bouche de Capitaine Haddock. Mais qu’est-ce qu’il sait de la vie, lui, avec ses discours qui sonnent faux comme une promesse à Bétharram ? J’ai bossé dur, à réparer des rails sous la pluie, pour que les trains roulent et que la France avance. Et Jacqueline, elle, à trier et calibrer des fruits douze heures par jour, sans jamais rechigner. On a élevé trois gosses avec ça, sans allocs. Et maintenant, on nous accuse d’avoir creusé la dette ? C’est nous qui avons payé pour la Sécu, pour les écoles, pour les autoroutes, pour les aéroports, pour les télécoms, pour la TV… pour tout ! Les jeunes d’aujourd’hui, avec leurs smartphones et leurs Uber, ils profitent du chômage comme d’un hobby. Et quelques gars profitent de l’AME sans avoir cotisé un sou. Pourquoi on nous en veut ? On n’a rien demandé, juste travaillé. »
Jacqueline, avec un sourire teinté de cynisme balzacien, enchaîne : « Bayrou, il est comme ces intellectuels parisiens, déconnectés du réel. Né en 1951, il est boomer lui-même, mais il joue les jeunes loups. On est des prolos, peut-être, avec nos parties de belote et nos jardins potagers, mais on a construit ce pays. Opposer vieux et jeunes, c’est comme diviser cathos et musulmans, ou ceux qui ont une voiture et les cyclistes écolos. Absurde ! Bayrou est plus has been que nous, avec ses idées d’un autre siècle. » Leur discours, fluide comme un cognac vieilli en fûts de chêne, révèle la fracture : Bayrou, en voulant philosopher sur la dette, n’a fait que révéler sa propre obsolescence.
Gérard et Martine, Doubs : la mie de la mésentente
Dans le Doubs (abstiens-toi), à Besançon, où les horloges tic-tacquent comme un rappel heideggerien du temps qui fuit, Gérard, boulanger retraité né en 1952, et Martine, caissière en boulangerie née en 1954, nous accueillent dans leur appartement modeste, odeur de pain frais encore dans l’air. Gérard, avec sa moustache à la Nietzsche s’emporte comme une pousse de pain rapide et roule dans la farine le Premier ministre : « Bayrou nous insulte, nous les boomers ? Mais il est fou, ce gascon ! J’ai pétri la pâte dès 4 heures du matin pendant trente-cinq ans, les mains dans la farine, pour nourrir le quartier. Martine, derrière sa caisse, à sourire aux clients même quand les impôts nous saignaient. On a bossé, sans congés payés ni RTT. On s’est levés tôt. Et nous quand on était au magasin l’été, c’était pour bosser, pas pour pondre des plans foireux. Et voilà qu’on nous reproche la dette ? C’est nous qui l’avons remboursée avec nos impôts ! Les jeunes, eux, avec leurs allocations familiales à gogo et leurs indemnités chômage comme un filet de sécurité permanent, ils se plaignent ? Ils profitent de la Sécu sans avoir sué autant. Pourquoi cette haine ? On n’a pas choisi d’être nés à cette époque. »
Martine, entre la caisse et le fournil, ajoute : « Bayrou est hors sol, il oppose les générations comme on oppose riches et pauvres, ou parisiens et provinciaux. Mais lui, avec sa ferme dans les Pyrénées, il est plus boomer que nous ! On est peut-être des bobos du terroir, avec nos lectures du Chasseur Français et de la presse régionale, et avec nos voyages en camping-car, mais on doute de cette guerre froide enyre générations. Pourquoi pas opposer ceux qui achètent des pains au chocolat et ceux qiu veulent des chocolatines ? C’est ridicule. » Leur échange, vif comme un coup de lame dans une baguette, égratigne le Premier ministre : sa maladresse le rend plus dépassé que ces retraités qu’il fustige.
Patrick et Sylvie, Oise : les champs de la colère
Dans l’Oise, près de Compiègne, où les céréales et les betteraves ondulent comme une métaphore marxiste du travail aliéné, Patrick, agriculteur né en 1961, et Sylvie, infirmière retraitée née en 1962, nous parlent depuis leur ferme, tracteur en fond sonore. Patrick, avec son air buriné à la Van Gogh et son pragmatisme paysan, lâche : « Bayrou, ce boomer qui se prend pour un millennial, nous traite de profiteurs ? J’ai labouré des hectares sous le soleil et la grêle, élevé des vaches pour nourrir la France, sans subventions folles. Sylvie, a soigné des patients jour et nuit, à l’hôpital public qui craque de partout, et qui va fermer partiellement. On a trimé, comme des Sisyphe modernes, pour que le pays mange et se soigne. On a été en première ligne pendant la Covid. Personne ne nous a remercier. Sauf Bayrou, là, en nous considérant comme des chiens ».
Sylvie, infirmière engagée, une pincée de Freud dans les analyses, pique un coup de sang : « Bayrou est maladroit comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il est né en 51*, pourtant il souffre de jeunisme. Opposer vieux et jeunes, c’est comme diviser selon la couleur de peau ou le lieu de vacances – mer ou montagne. Absurde ! On est des agriculteurs avec un côté beauf, peut-être, aimant le rugby, la bidoche et les barbecues, mais on considère que les propos de Bayrou sont insultants. »
Oui, il y a de quoi être un « enfant de la colère » !
Bayrou, en tentant une pirouette sociologique sur la dette, n’a fait qu’exposer sa propre déconnexion, un boomer s’attaquant à son reflet dans le miroir nietzschéen. Ces couples, archétypes d’une France qui a sué sang et eau, qui a travaillé, rappellent que diviser par l’âge est aussi vain que par la religion ou la possession d’un SUV.
La maladresse (pour ne pas dire « connerie ») des propos de Bayrou questionne : pourquoi opposer, quand l’unité philosophique becketteenne – attendre Godot ensemble –, faire face ensemble, serait plus sage ?
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* Ceci n’est pas un placement produit ni un post sponsorisé.

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