Pølitique

Les ratés de la Miviludes

Derrière l’image de vigie républicaine, la Miviludes accumule erreurs, classements sans suite et condamnations judiciaires embarrassantes

Derrière l’image de vigie républicaine, la Miviludes accumule erreurs, classements sans suite et condamnations judiciaires embarrassantes

Créée pour protéger les citoyens des dérives sectaires, la Miviludes devait incarner la rationalité de l’État face aux gourous. Vingt ans plus tard, ses rapports ses rapports corrigés sur décision de justice, ses signalements rarement suivis d’effets judiciaires, et ses approximations pointées par les tribunaux dessinent un portrait moins héroïque : celui d’un organe bureaucratique en mal de crédibilité, oscillant entre vigilance légitime et excès de zèle.

Quand le signalement vire au coup de gueule administratif

Chaque année, la Miviludes revendique plusieurs milliers de saisines, oscillant autour de 4 000 à 5 000. Pourtant, selon ses propres rapports, seule une infime fraction d’entre elles — quelques dizaines — finit sur le bureau d’un procureur. En 2020, par exemple, le rapport d’activité affichait 3 008 saisines, mais à peine une quinzaine furent transmises à la justice. Autrement dit, la grande majorité des signalements s’apparente davantage à des réclamations administratives qu’à des dossiers pénaux solides.

Le résultat est mécanique : les parquets reçoivent des dénonciations souvent maigres, qui s’effondrent en quelques heures d’audition. Les professionnels visés — thérapeutes, enseignants, associations — passent parfois deux heures à décliner leur identité, à exhiber leurs diplômes, à expliquer leur pratique, pour que le tout soit classé sans suite, faute d’infraction caractérisée. L’État aura mobilisé des moyens judiciaires pour des dossiers qui finissent classés sans suite.

La justice administrative recadre la mission

Ce ne sont pas seulement les citoyens qui se plaignent. Les tribunaux administratifs et le Conseil d’État ont rappelé à plusieurs reprises la Miviludes à ses devoirs. Le cas le plus retentissant date de juin 2024, quand le tribunal administratif de Paris a ordonné le retrait de passages entiers du rapport 2018-2020. Les Témoins de Jéhovah y étaient accusés de décourager les études longues ou de ne pas saisir la justice en cas d’abus sexuels. Problème : l’accusation reposait sur des sources étrangères ou des rumeurs non étayées en France. Erreur de fait, dit le juge. Les avocats ont alors parlé d’atteinte à la réputation.

En 2025, rebelote. Le Conseil d’État a condamné la Miviludes pour avoir refusé abusivement la communication de documents publics. L’association CAP Liberté de Conscience a obtenu gain de cause : le Conseil d’État a estimé que la Miviludes ne pouvait refuser la communication de ces informations au motif invoqué. Pour une mission censée défendre la transparence et la vigilance, la leçon est cruelle.

La dénonciation devient elle-même abusive

La ligne de crête est ténue : protéger les victimes d’emprise sans ouvrir la porte aux dénonciations calomnieuses. Or, des dossiers surgissent où des thérapeutes ou des enseignants visés par des signalements se retournent contre leurs accusateurs. Les plaintes pour diffamation ou dénonciation calomnieuse existent, même si elles restent minoritaires. La justice française n’est pas friande de condamner un signalant, sauf en cas de mensonge manifeste. Mais le mal est fait : la réputation est écornée, les moteurs de recherche figent l’accusation, et le classement sans suite arrive trop tard pour effacer les stigmates.

Un symptôme politique plus qu’un garde-fou efficace

Au fond, la Miviludes fonctionne comme une instance psychanalytique inversée : elle recueille les projections collectives sur le spectre du gourou, mais sans jamais réussir à transformer ce matériau en actes judiciaires probants. Elle incarne le désir d’un État thérapeute qui protège ses citoyens contre eux-mêmes… mais qui semble trébucher dès qu’il s’agit de produire des preuves recevables

Sociologiquement, la mission joue le rôle d’un exutoire symbolique, plus qu’elle ne démantèle de véritables réseaux sectaires. Politiquement, elle sert de vitrine : chaque gouvernement, de Sarkozy à Macron, brandit son existence comme preuve de fermeté, alors même que la réalité des chiffres révèle une action dérisoire. Philosophique ironie : la lutte contre l’illusion sectaire finit par alimenter sa propre illusion bureaucratique.

Plusieurs ratés documentés laissent penser que le problème dépasse l’anecdote et touche à son fonctionnement même. Ils disent quelque chose de notre rapport au soupçon et à la peur sociale. Entre vigilance nécessaire et emballement administratif, la mission marche sur un fil. Elle protège, certes, mais elle stigmatise aussi, parfois sans fondement. Les juges, eux, rappellent que le droit ne se nourrit pas de fantasmes.

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(c) Ill. têtière : ottic, Pixabay

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