Pølitique

Une élite reptilienne au sommet du pouvoir ?

Politiques reptiliens : fantasme délirant ou reflet d’une société désabusée ? Décryptage d’un mythe moderne

Politiques reptiliens : fantasme délirant ou reflet d’une société désabusée ? Décryptage d’un mythe moderne

S’ils ne gouvernent pas la planète depuis une base secrète sous la croûte terrestre, alors où sont-ils ? Selon les adeptes de cette théorie, les hommes politiques ne seraient pas seulement corrompus et hypocrites ou en mousse : ils ne seraient même pas humains. D’Obama à la Reine Elizabeth II, en passant par Macron ou Trump, les leaders mondiaux seraient en fait des créatures reptiliennes déguisées, infiltrées dans nos institutions pour mieux nous manipuler. Pourquoi cette idée trouve-t-elle un tel écho ? Et surtout, pourquoi ce fantasme du pouvoir inhumain a-t-il tant de succès ?

Serpents, domination et mythologie du pouvoir

Le serpent est une figure omniprésente de l’imaginaire collectif. À la fois vénéré et craint, il incarne tantôt la sagesse (chez les Grecs avec Asclépios, ou dans l’hindouisme avec les Nâgas), tantôt la perfidie et la trahison (le serpent biblique tentateur d’Ève). Mais il y a pire : dans l’univers de la science-fiction, de V à Doctor Who, en passant par They Live de John Carpenter (voir plus bas), les figures reptiliennes incarnent une élite secrète et malveillante, cachée parmi nous, déterminée à nous réduire en esclavage.

Gramsci rappelle que le pouvoir ne se limite pas à la coercition : il repose sur l’hégémonie culturelle, sur l’endoctrinement subtil. La figure du reptilien incarne cette domination insidieuse : un ennemi invisible, omniprésent, qui façonne les institutions en silence. Dans cette optique, accuser les élites d’être des reptiliens, c’est crier son impuissance face à une machine politique perçue comme inaccessible et indestructible.

De Freud à la peur du grand complot

« They Live » (1988) de John Carpenter, met en scène un homme, incarné par Roddy Piper, qui découvre des lunettes spéciales permettant de voir la réalité cachée derrière la façade des médias et des publicités. À travers ces lunettes, les figures politiques et économiques apparaissent comme des créatures extraterrestres, manipulant la population pour leur propre profit.

Freud révèle que les phobies ne sont jamais anodines. La peur du reptile, profondément ancrée dans l’inconscient collectif, renvoie à une menace insaisissable, dangereusement familière. Pour Carl Jung, la figure du reptilien s’inscrit dans l’archétype du mal tapi dans l’ombre, un miroir de nos peurs les plus archaïques.

Robert Cialdini et Jean-Léon Beauvois, spécialistes de la manipulation, démontrent comment l’humain a besoin d’explications simplistes aux phénomènes complexes. Les crises économiques, les tensions géopolitiques, la défiance généralisée envers la classe politique : plutôt que d’analyser objectivement ces mécanismes, certains préfèrent y voir une conspiration de lézards humanoïdes omnipotents. Parce qu’un complot est plus rassurant qu’un chaos ingérable.

Profil des “reptiliens”

David Icke, gourou de cette théorie, n’a pas lésiné sur les accusations. Barack Obama ? Reptilien. Angela Merkel ? Reptilienne. Emmanuel Macron ? Infiltré à l’Élysée pour assurer la continuité du grand projet extraterrestre. Et la Reine Elizabeth II, bien sûr, dont la longévité serait une preuve irréfutable de sa nature non humaine (on ne sait rien sur la reine Victoria).

Ce délire collectif dit beaucoup sur nos sociétés. Ce ne sont pas les dirigeants les plus autoritaires ou les plus bellicistes qui sont visés, mais ceux qui cristallisent des peurs plus diffuses : cosmopolitisme, mondialisation, élitisme intellectuel. Accuser un politicien d’être un reptilien, c’est exprimer un rejet radical, une déshumanisation ultime. Il ne s’agit plus seulement de critiquer leurs politiques, mais de les expulser du champ de l’humanité.

Une métaphore délirante, mais éclairante

Au-delà de sa dimension grotesque, cette théorie traduit un malaise profond : celui d’une démocratie perçue comme une illusion. L’idée que les élections ne changent rien, que le pouvoir reste entre les mêmes mains, rejoint les critiques plus rationnelles sur la confiscation du politique par des élites éloignées des réalités populaires et hors-sol.

Finalement, croire aux hommes politiques reptiliens, c’est avant tout refuser d’accepter une réalité plus effrayante encore : ils sont bel et bien humains. Leur cynisme, leur indifférence, leur carriérisme et leur goût pour le pouvoir ne relèvent d’aucun complot extraterrestre. Juste de la nature humaine.

(c) Ill. Pixabay

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