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Littérature et pensionnats religieux : violence, contrôle et silenciation des victimes

Littérature et société : dans les internats religieux, la discipline rigide masque une violence systémique et marquent les vies brisées des élèves

Littérature : dans les internats religieux, la discipline rigide masque une violence systémique et marque les vies brisées des élèves

L’internat religieux, dans l’imaginaire collectif, oscille entre l’austérité et l’ascèse, entre la promesse d’une éducation rigoureuse et l’ombre d’une discipline implacable. Lieu de formation spirituelle autant que de soumission, il constitue un microcosme où s’exerce une autorité souvent sans contre-pouvoir.

La littérature témoigne d’un dispositif où la violence physique et psychologique s’impose comme un outil de correction et de soumission. La parole des victimes, soigneusement muselée, peine à trouver un écho, laissant derrière elle un sillage de traumatismes tus et de vies brisées.

Discipliner les corps, formater les esprits

Le film Le ruban blanc de Michael Haneke (2009) met en scène une société corsetée où l’éducation religieuse devient un vecteur d’oppression. De manière similaire, Les Diaboliques de Jules Amédée Barbey d’Aurevilly illustre une éducation où la répression des instincts prime sur toute autre forme d’épanouissement.

Dans ces institutions fermées, la violence ne surgit pas comme un déchaînement ponctuel mais comme un rouage du système disciplinaire, rejoignant en cela l’analyse foucaldienne de la prison et des dispositifs de surveillance. L’ordre monastique, présenté comme garant du bien-être moral des pensionnaires, devient un instrument d’oppression, comme en témoignent des œuvres comme L’Enfant de Jules Vallès, qui relate la dureté de l’éducation religieuse subie par le protagoniste, ou Les Choristes de Christophe Barratier, qui illustre un encadrement oppressif et autoritaire.

Les sévices infligés oscillent entre brutalité physique et coercition mentale. Dans Surveiller et punir, Michel Foucault décrit comment le contrôle du corps et de l’esprit s’institutionnalise dans des dispositifs disciplinaires comme les écoles et les séminaires. Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier, bien que plus idéalisé, l’internat reflète aussi une rigueur imposée, marquée par l’absence d’affection et la rigidité des règles.

L’omniprésence du regard : une surveillance totale

L’espace de l’internat est structuré par la surveillance permanente, qu’elle soit exercée par les figures d’autorité ou intériorisée par les élèves eux-mêmes. Le panoptisme, que Foucault analyse comme un mode de contrôle par le regard, trouve ici une application exemplaire : tout geste, toute pensée peut être soumise à l’examen scrutateur des prêtres ou des religieuses. Les Frères Karamazov de Dostoïevski explore également ce poids du regard moral et religieux pesant sur les individus.

Le contrôle ne se limite pas aux règles strictes et aux punitions. Il s’étend à la parole même, réduisant au silence toute forme de contestation. La domination cléricale repose sur la peur et la culpabilité, des leviers d’aliénation particulièrement efficaces sur de jeunes esprits. L’élève, pris dans ce maillage d’autorité, n’a d’autre choix que la soumission ou la transgression clandestine, comme le montre L’Enfer d’Henri Barbusse où le poids du silence et de la répression intérieure devient insoutenable.

Le poids du silence : de la soumission à l’effacement

L’un des aspects les plus pernicieux de cette violence institutionnelle réside dans la « silenciation » des victimes après les faits. La honte, la peur des représailles et l’absence d’écoute extérieure enferment les anciens pensionnaires dans un mutisme imposé. Les Amitiés particulières de Roger Peyrefitte, bien qu’évoquant une relation intime dans un internat catholique, met en lumière ce silence oppressant, cette incapacité à exprimer librement ses émotions et à dénoncer un cadre rigide.

Longtemps, ces violences sont restées enfouies sous le poids des non-dits. Ce n’est que récemment que les récits littéraires et témoignages ont permis de lever une partie du voile sur ces abus systémiques. Mais la reconnaissance publique ne suffit pas à réparer des décennies de souffrance tues. L’internat religieux, présenté comme un sanctuaire, se révèle alors dans ces œuvres comme un lieu de rupture, où l’individu, nié dans son intégrité, devient le réceptacle d’une violence légitimée par l’institution.

(c) Ill. têtière cottonbro studio

Cet article n’a aucun lien avec l’affaire Bétharram. Quoique…

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