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Exposition – La naissance des Grands Magasins, au MAD

Plongée dans l'histoire des grands magasins parisiens à travers mode, design et publicité. Une exposition au MAD, musée des Arts décoratifs.

Plongée dans l’histoire des grands magasins parisiens à travers mode, design et publicité. Une exposition au MAD, musée des Arts décoratifs.

Dans une scénographie raffinée, l’exposition « La Naissance des Grands Magasins : Mode, Design, Jouets, Publicité 1852-1925 » au musée des Arts décoratifs dévoile l’essor des grands magasins parisiens et leur rôle dans la démocratisation de la mode, du design et de l’art. En associant innovations commerciales et transformations esthétiques, ces temples de la consommation deviennent des laboratoires de modernité, où la figure de la femme, la production artistique et le commerce de masse s’entrelacent pour créer un nouvel imaginaire consommatoire.

L’exposition « La Naissance des Grands Magasins : Mode, Design, Jouets, Publicité 1852-1925 », présentée au musée des Arts décoratifs, s’impose comme un hommage savamment orchestré à l’avènement de ces nouveaux temples du commerce et de la modernité que furent les grands magasins parisiens. Inscrit dans une temporalité allant de 1852 à 1925, cet événement révèle la complexité d’un phénomène à la croisée de l’art, du commerce et de la modernité industrielle. Il en résulte un panorama aussi dense qu’érudit, qui explore l’émergence d’une consommation de masse à travers plus de 700 pièces tirées des collections du musée : affiches, vêtements, objets d’art décoratif et jouets, entre autres. L’exposition se déploie dans une scénographie méticuleuse, où chaque détail éclaire les mutations sociales et esthétiques d’un XIXe siècle en pleine effervescence.

L’ambition de cette exposition n’est autre que de restituer le rôle pionnier des grands magasins dans la démocratisation de la mode et du design, en intégrant des éléments historiques et sociopolitiques subtils. En premier lieu, l’on ne peut que saluer la justesse du choix des œuvres, qui traduisent l’essence d’une époque marquée par les transformations urbaines haussmanniennes. Ainsi, dès les premières salles, les photographies de Charles Marville se déploient comme de véritables témoins visuels de l’élargissement des perspectives parisiennes, où la ville devient toile de fond de nouvelles aspirations bourgeoises. Mais c’est surtout l’audacieuse stratégie de marketing visuel des grands magasins qui capte l’attention : les lithographies de Jules Chéret ou de Jean-Gabriel Domergue, par leur flamboyance chromatique et leur dynamisme formel, incarnent l’élan d’une époque avide de modernité, où l’image s’impose comme un vecteur central du désir.

Rappelons que ces grands magasins, parmi lesquels le Bon Marché, La Samaritaine ou encore les Galeries Lafayette, ont transcendé leur rôle de simples espaces commerciaux pour devenir des lieux de représentation sociale et d’expérimentation artistique. Dans cette perspective, l’exposition dévoile des œuvres phares, telles que l’affiche de Leonetto Cappiello pour les Grands Magasins du Louvre (1922), qui synthétise par sa maîtrise de la composition une esthétique de la séduction tout en reconfigurant les codes publicitaires.

Un autre aspect crucial, souvent négligé dans les analyses plus conventionnelles, est la place centrale accordée à la figure de la femme dans ces nouveaux espaces. Évoquée avec justesse à travers les écrits d’Émile Zola dans Au Bonheur des Dames, la femme devient non seulement l’icône de ces lieux, mais aussi l’initiatrice d’une véritable révolution esthétique. Le grand magasin apparaît ainsi comme une scène privilégiée où s’exprime le pouvoir de la consommation féminine, incarnée par la silhouette de la Parisienne, figure protéiforme que l’on retrouve dans les gravures et lithographies exposées. Une robe des Trois Quartiers, datant de 1860, se dresse comme un hommage silencieux à cette féminité omniprésente, tandis que les accessoires de mode, soigneusement exposés (gants, chapeaux, dentelles), viennent compléter cette immersion dans un univers où la mode se démocratise, en partie grâce à la mécanisation et à la rationalisation des processus de production.

Le parcours met également en exergue l’ingéniosité commerciale des fondateurs de ces établissements, à commencer par Aristide Boucicaut, dont le portrait par William Bouguereau rappelle le rôle prépondérant de cet entrepreneur dans l’invention de pratiques telles que les soldes ou la vente par correspondance. L’exposition regorge de documents et d’objets retraçant cette évolution, notamment des catalogues de vente richement illustrés, qui témoignent du souci constant de ces enseignes de cultiver une image d’élégance et d’innovation.

L’un des points les plus captivants de l’exposition réside sans doute dans la présentation des ateliers d’art créés par les grands magasins, véritables laboratoires de modernité où l’avant-garde artistique trouve un terrain d’expression inédit. L’atelier Primavera, lancé en 1912 par Le Printemps, fait figure de précurseur dans ce domaine, en offrant des objets d’art décoratif à un public bourgeois. Une coiffeuse de Maurice Dufrène, directeur de l’atelier La Maîtrise des Galeries Lafayette, présentée ici, témoigne de l’influence grandissante du mouvement Art Déco dans les arts appliqués de l’époque. Parallèlement, l’atelier Pomone du Bon Marché, dirigé par Paul Follot, incarne un retour aux matériaux nobles et aux techniques artisanales, tout en s’inscrivant dans une production destinée à une clientèle élargie.

C’est finalement lors de l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925 que cette ambition de fusion entre art et commerce atteint son apogée. Chaque grand magasin y dispose d’un pavillon dédié, où il expose ses plus belles créations en matière de design, de textile et de céramique. Loin de n’être qu’un simple exercice de style, ces pavillons révèlent une ambition culturelle qui fait écho aux transformations d’une société en quête de luxe accessible. Les photographies de Vizzavona, qui immortalisent ces pavillons, révèlent la beauté architecturale de ces lieux éphémères, tout en suggérant la symbiose entre art et industrie.

MAD

Ainsi, à travers cette exposition minutieusement élaborée, le musée des Arts décoratifs propose une réflexion approfondie sur la naissance de la société de consommation moderne, en situant les grands magasins au cœur de ce processus. Plus qu’une simple rétrospective historique, l’exposition offre une véritable clé de lecture pour comprendre comment ces temples du commerce ont su, dès le XIXe siècle, anticiper les grandes mutations sociales et culturelles du XXe siècle. Loin des visions superficielles qui réduiraient ces espaces à de simples lieux de vente, l’exposition démontre qu’ils ont été des catalyseurs de la créativité, de l’émancipation féminine et de la démocratisation de l’art.

Le parcours s’achève sur une réflexion ouverte, laissant entrevoir les répercussions contemporaines de ces bouleversements, alors que la frontière entre art, design et consommation reste plus floue que jamais. Au sortir de cette exposition, le regard du visiteur se transforme : les grands magasins, objets à la fois d’admiration et de critique, apparaissent sous une lumière nouvelle, révélant tout un pan de l’histoire artistique et sociologique, où l’art dialogue intimement avec le commerce.

(c). Ill. Pr4vd4.net (rien à voir avec l’expo au MAD)

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