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Exposition – La Cité Immersive des Fables, Paris

Par Knut Ella

Le 19 septembre 2025

L’exposition La Cité Immersive des Fables, à Paris : un parcours sensoriel revisitant les fables de La Fontaine.

Au seuil de l’automne parisien, l’exposition La Cité Immersive des Fables ouvre ses portes en bordure des Champs-Élysées, invitant à une traversée des récits de Jean de La Fontaine par le biais d’une muséographie hybride. Sur plus de mille mètres carrés, ce parcours conjugue narration théâtrale, technologies immersives et médiation pédagogique, offrant une approche renouvelée des fables du XVIIe siècle.

Dans le jardin des mots où les bêtes parlent

L’entrée dans l’exposition s’effectue par un vestibule végétalisé où les essences olfactives évoquent les sous-bois des fables. Ici, le visiteur est aussitôt immergé dans un décor luxuriant, ponctué de projections vidéo à trois-cent-soixante degrés qui animent les figures animales de La Fontaine. Parmi les espaces thématiques, l’un reconstitue la cour du Grand Siècle, avec des costumes et maquillages qui réinventent les personnages : Laurent Stocker, sociétaire de la Comédie-Française, incarne Jean de La Fontaine lui-même, sa voix résonnant dans une spatialisation sonore tridimensionnelle qui guide le parcours. À ses côtés, Alexandre Astier prête sa présence au Lion de la fable « Le Lion et le Rat », tandis qu’Arielle Dombasle interprète le Loup dans « Le Loup et l’Agneau », apportant une intonation subtilement modernisée aux dialogues originaux. Ces relectures préservent l’ironie mordante des textes, tout en les adaptant à une sensibilité contemporaine, sans altérer leur essence poétique.

Le renard flatte et le corbeau chante

Poursuivant la visite, un atelier interactif permet d’explorer « Le Corbeau et le Renard », où Charles Berling, dans le rôle du Renard, déploie une ruse vocale captée en vidéo holographique. Axelle Saint-Cirel, la mezzo-soprano connue pour son interprétation de la Marseillaise aux Jeux Olympiques de Paris 2024, prête sa voix au Corbeau, mêlant chant lyrique et récit fabuleux. Les installations sensorielles s’intensifient : des jeux de lumière synchronisés avec des effets spéciaux reproduisent la chute du fromage, invitant le visiteur à manipuler des interfaces tactiles pour influencer le déroulement narratif. Non loin, Marie S’Infiltre anime la Grenouille de « La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf », avec une performance qui souligne l’absurdité des ambitions démesurées, tandis que Félix Junier et Hubert Myon incarnent respectivement l’Âne et le Chien dans des scènes tirées de fables moins centrales mais tout aussi incisives, comme « L’Âne et le Chien » ou « Le Chien et le Loup ». Ces portraits d’acteurs, exposés sous forme de reconstitutions photographiques, dialoguent avec les décors, créant un continuum entre le XVIIe siècle et l’époque contemporaine.

Par les sentiers où l’histoire se tisse

Le parcours, d’une durée d’environ une heure et demie, intègre une médiation rigoureuse assurée par un comité scientifique dirigé par Tiphaine Rolland, maître de conférences à la Sorbonne et spécialiste de La Fontaine. Aux côtés de Patrick Dandrey, auteur de La Fabrique des Fables, et de Didier Foucault, historien du XVIIe siècle, cette équipe veille à l’exactitude des références littéraires. Des bornes interactives diffusent des vidéos inédites réalisées par Nota Bene, qui contextualise les fables dans leur cadre historique : le règne de Louis XIV, les intrigues de Versailles, et les échos libertaires de l’esprit lafontainien. Ces interventions pédagogiques, disséminées tout au long des espaces, enrichissent la compréhension sans alourdir l’expérience ludique, permettant aux connaisseurs de repérer les nuances des textes originaux – tels que les allusions satiriques à la cour royale – tout en rendant accessibles aux novices les deux cent quarante-trois fables dont une sélection est mise en scène.

Au cœur des ombres, les sons se murmurent

La dimension auditive, confiée au collectif Bon Entendeur – composé d’Arnaud Bonnet et Pierre Della Monica –, infuse l’exposition d’une bande sonore mêlant musique électronique, voix iconiques et extraits littéraires. Dans les zones dédiées aux fables aquatiques ou forestières, un parcours olfactif libère des arômes de terre humide ou de fleurs sauvages, synchronisés avec des projections qui évoquent les estampes de Jean-Baptiste Oudry, illustrateur historique des fables. Ces éléments multisensoriels culminent dans une salle où les visiteurs traversent des reconstitutions de scènes comme « Le Chêne et le Roseau », avec des effets de vent simulé et des dialogues murmurés qui soulignent la résilience face à l’adversité.

Vers l’horizon où les images dansent

Le point d’orgue de l’exposition réside en un spectacle final de vingt-cinq minutes en vidéo-mapping, projeté à trois cent soixante degrés sur murs et sol. Ici, les fables s’animent sous des influences variées : de l’estampe japonaise aux graffitis urbains, en passant par les interprétations d’Oudry.

L’intemporalité des récits est soulignée par des clins d’œil à la culture contemporaine : des motifs inspirés du street art (on voit apparaître, dans un bas de mur, une sorte de Flower Thrower) se superposent aux décors baroques, reliant l’univers de La Fontaine à des expressions artistiques actuelles.

Une récitation revisitée des textes accompagne ces visuels, où le Lion d’Astier rugit en écho au Renard de Berling, tandis que la musique de Bon Entendeur enveloppe l’espace d’une spatialisation immersive. Ce final synthétise l’approche poétique et décalée de l’ensemble, invitant à une réflexion sur l’universalité des morales lafontainiennes, qui transcendent les époques sans perdre leur acuité critique.

Au sortir de cette immersion, le visiteur emporte une vision rafraîchie des récits animaliers, où la satire sociale du XVIIe siècle dialogue avec les enjeux contemporains.

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