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Exposition – François Chifflart, maison de Victor Hugo

L’exposition "François Chifflart, l’insoumis" révèle un artiste audacieux, entre peinture, gravure et illustration, marqué par son lien avec Victor Hugo

L’exposition « François Chifflart, l’insoumis » révèle un artiste audacieux, entre peinture, gravure et illustration, marqué par son lien avec Victor Hugo

Dans l’écrin feutré de la Maison de Victor Hugo, l’exposition « François Chifflart, l’insoumis » se dévoile comme une redécouverte, une résurrection d’un artiste que l’histoire de l’art a trop souvent relégué aux marges. À travers une scénographie sobre et efficace, ce parcours chronologique en six temps révèle une œuvre vibrante, indomptable, parfois tourmentée, qui s’élève à la croisée de la peinture d’histoire, de l’illustration et de la gravure.

Dès l’entrée, le regard est happé par les fusains monumentaux de Chifflart, dont « Les Remords » (1863), sombre méditation sur la culpabilité et la douleur, semble précéder d’un souffle la Légende des siècles qu’il illustrera plus tard. Le fusain, qui deviendra son mode d’expression de prédilection, lui permet d’explorer des clairs-obscurs d’une rare intensité. Aux côtés de cet œuvre magistrale, « L’Attaque de Notre-Dame de Paris par les truands », illustration pour l’édition Hugues de 1876-1877, témoigne d’une puissance narrative saisissante. Chifflart y concentre l’énergie dramatique du roman hugolien dans une composition foisonnante où chaque trait semble porter la fièvre des bas-fonds médiévaux.

Prix de Rome et Absolu

L’un des pivots de l’exposition réside dans son exploration de l’itinéraire d’un artiste qui, bien que couronné du Prix de Rome en 1851, refusa les honneurs académiques au profit d’une quête d’absolu artistique. L’on découvre un peintre d’histoire ambitieux avec « Ville conquise ou le Sac de Rome par Alaric », tableau épique qui traduit son attrait pour la monumentalité et la tragédie. Cependant, c’est dans l’intimité du trait qu’il trouve son langage le plus personnel : en témoignent ses « Improvisations sur cuivre » (1865), recueil de quinze eaux-fortes où transparaît une dualité troublante entre classicisme et fulgurances romantiques.

La rencontre entre Chifflart et Victor Hugo en 1867 marque un tournant décisif. Admirateur fervent du poète exilé, l’artiste se rend à Guernesey pour illustrer « Les Travailleurs de la mer ». L’exposition restitue cet échange fécond à travers une série de dessins préparatoires et d’épreuves d’imprimerie. Si l’édition populaire trahit la qualité de son travail par une impression médiocre, ses compositions n’en restent pas moins admirables, notamment « Gilliatt », où l’homme affronte les tentacules d’une mer déchaînée, image saisissante de la lutte de l’individu contre un destin implacable.

La commune

Un autre jalon essentiel du parcours est la période de la Commune de Paris, où Chifflart, enrôlé, devient témoin et chroniqueur des combats. Son engagement se traduit par des dessins poignants publiés dans « Le Monde illustré », capturant avec une acuité brûlante les incendies et les batailles qui déchirèrent la capitale. Cette immersion dans le tumulte de l’Histoire résonne avec les gravures qu’il produira plus tard pour « La Légende des siècles ». Par le biais du fusain, il exalte la tension dramatique et le lyrisme hugolien, cherchant dans le noir et blanc une puissance d’évocation que la couleur semble désormais lui refuser.

L’exposition se clôt sur « Martyrs chrétiens livrés aux bêtes », vaste composition dont la redécouverte constitue un événement en soi. Inspirée d’une esquisse réalisée à la Villa Médicis en 1855, cette toile met en scène un supplice d’une intensité sculpturale, où le mouvement convulsif des corps rappelle les fresques de Michel-Ange. La palette, dominée par des bruns et des ocres, préfigure déjà les tons sourds de ses gravures tardives.

Ainsi, « François Chifflart, l’insoumis » s’impose comme une exposition nécessaire. Elle ne se contente pas de réhabiliter un artiste oublié ; elle le replace au cœur des bouleversements artistiques et idéologiques de son siècle. La Maison de Victor Hugo, par ce choix éclairé, offre une leçon d’histoire et de peinture, redonnant à Chifflart cette place qu’il n’aurait jamais dû perdre dans la mémoire des amateurs d’art.

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Ill. têtière : François Chifflart, Les nuits de mai, 1871

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