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Glace ou granité : dites-moi ce que vous sucez et je vous dirai…

La glace, c’est du sucre et des signaux sociaux. Entre cornet chic et granité chimique, l’été révèle nos goûts, nos classes, nos fantasmes glacés

La glace, c’est du sucre et des signaux sociaux. Entre cornet chic et granité chimique, l’été révèle nos goûts, nos classes, nos fantasmes glacés

Cornet bio au sésame noir ou granité fluo qui tache la langue ? En été, le dessert glacé devient un test de positionnement social. Derrière chaque lèche, une idéologie. Derrière chaque boule, un monde.

L’été, le choix du dessert froid ne relève plus du simple rafraîchissement. C’est un acte politique. Une performance identitaire. Une déclaration publique de qui vous êtes, de ce que vous lisez, de pour qui vous votez et même de comment vous baisez.

Prenez la glace artisanale, servie par un tatoué en tablier de lin qui parle de « circuit court du lait de brebis ». Elle coûte cinq euros la boule, elle est fermentée naturellement dans une cave de tuf, et vous l’avez méritée. En la tenant au bout de votre main gauche, bague vintage et bracelets d’amitié tibétains bien en vue, vous devenez un.e acteur.rice du monde d’après. « Ma glace, c’est mon totem. »

À l’inverse, le granité à la fraise fluo vendu dans un gobelet en plastique par un stand de fête foraine, c’est la madeleine de Proust des millennials. Il s’achète sans honte, se boit à la paille rigide, et laisse la langue bleue comme un Schtroumpf en fin de rave. Il n’est pas là pour plaire à son ostéopathe naturopathe. Il est là pour rafraîchir et salir.

Boule ou cornet : dialectique des fluides

La glace est un objet sexuel. Tout le monde le sait. Il n’y a qu’à voir la manière dont les pubs nous vendent les esquimaux — qu’il s’agisse de sucer langoureusement un Magnum Amande en demi-grognement, ou de lécher deux boules dans un cornet façon latex vanille. Le banana split ? C’est un sketch porno ambulant. On devrait l’appeler banana slip.

Et que dire du choix cornélien : boule ou cornet ? Le pot évoque la rondeur, la douceur, le féminin enveloppant. Il se tient à deux mains. Il s’ouvre. Le cornet, lui, est une torche. Une arme à une main. Phallique, bravache, conique. Il fond trop vite. Il dégouline. Il laisse des traces. Comme tout ce qui s’assume un peu trop.

Ce n’est pas un hasard si les influenceurs KékéTok font des slow-mo obscènes en mangeant des glaces. La glace est le seul dessert socialement acceptable qu’on suce en public, l’été, en souriant aux passants. Même le churros a dû baisser les yeux.

« Sucer langoureusement un Magnum ». Oui, mais pas celui-là.

Du food truck (sans contrepèterie) au Game of Cône

Chez les glaciers « farm-to-cone », le cône est sacré. C’est le trône de fer des desserts, le Graal du lècheur éclairé. Ici, pas de vanille industrielle ou de chocolat banal. On parle de glace au charbon actif, de sorbet basilic-fleur de sel, de crémeux pissenlit-céleri rave, ou encore d’un troublant parfum lavande & regret. C’est subtil, c’est éthique, c’est éco-anxiogène.

Le cornet y est fait maison, croustillant comme un manifeste écologique. On y croise des gens qui font la queue en Birks, discutant du meilleur glacier d’Islande comme d’une secte discrète. Manger une glace devient un acte de distinction. Comme le disait (presque) Bourdieu : « Le goût de la glace distingue les dominants des dominés. » Surtout quand la boule coûte autant qu’un plein de granité.

Pendant ce temps, dans un recoin du monde social, le granité continue de se battre pour sa dignité. Il ne cherche pas la reconnaissance du Guide du F**ding, juste un frisson régressif. Il colle, il pique un peu la gorge, il contient environ 14 additifs, mais il fait voyager. Direct dans les années 80, au son d’Ice Cream Man de Van Halen, entre deux parties de flipper. Stranger Things l’a compris : le granité, c’est le fantôme sucré de l’enfance populaire.

Vegan mais triste

Et puis, il y a la nouvelle avant-garde : la glace végane. Faite à base de lait d’avoine, de noix de cajou ou de silences gênants. Elle ne contient aucun sucre, aucun gluten, aucun plaisir. Elle goûte le carton recyclé avec une note de cendre. On la mange avec une petite cuillère en bois, en s’excusant de vivre.

C’est un rite expiatoire. Une punition symbolique pour avoir trop scrollé Insta. Son slogan officieux pourrait être : « Ni vache, ni joie. » Mais attention, elle sauve des koalas. Et c’est bien là l’essentiel.

Granité = prolo, Glace = bobo ?

On pourrait croire à une opposition de classes. Mais c’est plus tordu que ça. Le granité fait un retour branché chez les designers de mode qui organisent des garden parties ironiques où l’on sert des granités au vin nature dans des gobelets biodégradables. Tout est recyclé, même le mauvais goût. On appelle ça l’anti-glace.

La glace, quant à elle, est devenue un art. Elle s’instagramme, se critique, s’évalue. C’est un marché du cool. Et dans ce marché, chaque choix est signifiant. Manger une glace, c’est maintenant répondre à un QCM existentiel : éthique ou goût ? Esthétique ou fraîcheur ? Lécher ou mordre ? Êtes-vous cornet ou pot ? Mangeriez-vous une boule au miso torréfié devant votre ex ? Avez-vous déjà pleuré devant une vitrine de glaces ?

Le gel de notre temps

La vérité, c’est que sous ses airs de frivolité, le dessert glacé est un révélateur de tensions modernes. Il dit tout de nos préférences, de nos valeurs, de nos fantasmes. Il est cette chose molle qui fond entre nos doigts, comme nos certitudes.

Mais c’est aussi, parfois, un moment simple, érotique, régressif. Une pause sucrée au cœur du grand cirque social. Alors granité ou glace ? Peu importe, tant qu’on suce avec style.

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(c) Ill. têtière : Pr4vd4.net

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