On croyait le punk relégué aux vinyles poussiéreux et aux squats disparus. Mais avec sa chevelure en pogo permanent et ses meetings-slam, Donald Trump ressuscite, malgré lui, une esthétique de chaos. Punk ou parodie ? La crête orange divise autant qu’elle fascine. Chronique d’un troisième mouvement capillaire et politique.
On croyait les crêtes punk enterrées sous des tonnes de gel séché et de vinyles poussiéreux. On croyait la révolte des Sex Pistols et des Bérus rangée au rayon nostalgie avec les pantalons troués et les Docs usées. Mais c’était sans compter sur l’apparition d’un improbable messie : Donald Trump. Oui, le même. L’ex-président au brushing mutant, couleur entre « poussin radioactif » et « abricot prématuré », serait-il en train d’initier, sans le savoir (et sans doute sans le vouloir), le troisième mouvement punk de l’histoire ?
Car enfin, quel autre leader politique moderne peut se vanter d’avoir une coiffure qui ressemble à un pogo permanent ? Ses cheveux, défiant toutes les lois de la gravité, semblent sortir tout droit d’un squat londonien de 1977. À chaque apparition publique, on s’attend presque à entendre résonner « God Save the Queen » en fond sonore, remixé par un DJ de banlieue.
Les punks des années 70 fabriquaient leurs coiffures à la bière bon marché et au sucre. Trump, lui, préfère sans doute un mélange subtil de laque haut de gamme, de béton armé et d’illusions fiscales. Qu’importe : le résultat est le même. Une architecture capillaire qui crie haut et fort : « No future ! »
Les Sex Pistols hurlaient leur haine de la monarchie britannique. Trump, lui, hurle sa haine des institutions américaines (tout en essayant d’en prendre le contrôle absolu). Dans les deux cas, on retrouve cette même énergie destructrice, ce même goût pour la provocation gratuite, cette même conviction que foutre le bazar est un projet politique en soi.
Et si les punks vivaient dans des squats insalubres, Trump, fidèle à son slogan « Make America Great Again », a choisi de squatter directement la Maison-Blanche. Squatter bourgeois, certes, mais squatter quand même.
Les Clash chantaient « I fought the law and the law won ». Trump pourrait entonner « I sued the law and the judge ran ». Avec plus de procès au compteur qu’un manager de groupe punk en faillite, l’homme à la mèche incarne à sa manière la philosophie anarchiste : pas de règles, pas de respect des conventions, pas de compte à rendre (sauf au fisc, mais ça, c’est une autre chanson).
Là où les punks revendiquaient l’autogestion, Trump revendique… l’autogestion de sa vérité alternative. Le DIY (Do It Yourself) punk est devenu le FIY (Fake It Yourself) trumpiste. Les punks s’imprimaient leurs propres fanzines, Trump balance ses propres fake news sur Truth Social. Même énergie brute, mais version luxe.
Et que dire de ses meetings électoraux ? On y retrouve l’ambiance des concerts punks : foule déchaînée, slogans gueulés à pleins poumons, bières renversées (sauf qu’elles coûtent 15 dollars pièce et sont servies dans des gobelets dorés).
Ses adeptes portent moins de chaînes que de casquettes rouges, mais l’esprit est le même : refus du système, rejet des élites, haine de la culture dominante. La différence ? Là où les punks vivaient en marge, Trump rêve d’imposer sa marge au centre.
Johnny Rotten, leader des Sex Pistols, avait pour slogan : « Je suis l’anti-Christ ». Donald Trump, lui, préfère « Je suis votre Christ ». Mais dans les deux cas, on a affaire à des gourous improvisés, charismatiques pour certains, ridicules pour d’autres, capables de retourner une foule en quelques mots mal articulés.
Trump, comme les punks, mise sur le choc visuel. Sa cravate trop longue, ses costumes mal taillés, et surtout cette couleur de cheveux improbable, plus criarde qu’une épingle à nourrice plantée dans le nez d’un ado rebelle. On se demande si ce n’est pas son équipe de communication qui, inspirée par les fanzines punks, a inventé ce style volontairement agressif pour mieux provoquer l’establishment.
Et ça marche. Chaque caricature, chaque photo de Trump en mèche tempête, c’est un peu comme une pochette de disque punk : volontairement laide, mais impossible à ignorer.
Le pogo punk consistait à sauter dans tous les sens, sans logique, en bousculant son voisin. Le pogo trumpiste, lui, consiste à légiférer dans tous les sens, sans logique, en bousculant ses institutions. Résultat identique : chaos total, bleus garantis.
Ses électeurs, comme les punks, trouvent dans ce chaos une forme de libération. « Enfin quelqu’un qui dit tout haut ce qu’on ne devrait même pas penser tout bas ! » s’exclament-ils, le poing levé et la casquette ajustée. La provocation pour la provocation, la destruction pour la destruction : voilà le vrai moteur du punk, qu’il soit à guitares saturées ou à tweets caps-lockés.
Les punks détestaient Thatcher, Reagan et la police. Trump déteste Biden, CNN et le FBI. Finalement, pas si différent.
Les punks adoraient choquer la bourgeoisie. Trump adore choquer les médias, les universitaires et Hollywood. Et tout comme les punks finissaient parfois récupérés par la mode (Vivienne Westwood a bâti un empire sur leurs fringues déchirées), Trump a été récupéré par… lui-même, transformant sa propre caricature en produit marketing.
Casquettes, mugs, posters, NFT : le punk vendait ses 45 tours, Trump vend son image. Même combat : transformer le crachat en marchandise.
Alors, Trump, vrai punk ou parodie ?
La question reste ouverte. Les puristes diront : « Le punk, c’est la révolte contre le pouvoir, pas la prise de pouvoir ! » Mais peut-être que Trump a inventé un nouveau genre : le punk institutionnel. Une contradiction dans les termes, certes, mais le punk a toujours aimé les contradictions.
Et si, finalement, sa chevelure orange n’était pas une erreur capillaire mais une déclaration politique ? Une crête géante invisible, peinte en couleur « MAGA Sunrise », symbole d’une rébellion qui n’en est pas une ?
Les historiens de la musique se grattent la tête (avec des épingles à nourrice) et se demandent : après le punk et le post-punk, devrons-nous écrire un nouveau chapitre intitulé « Trumpunk » ?
Peut-être que Trump est le punk ultime : celui qui a réussi à transformer le « No Future » en « My Future ». Celui qui a troqué les concerts cradingues contre des meetings géants, les fanzines photocopiés contre Fox News, et les squats crasseux contre les suites dorées.
Alors, punk ou pas punk ? Peut-être qu’il n’a pas inventé la révolte, mais il en a saisi l’essence : provoquer, choquer, diviser. Et au fond, que serait le punk sans ce goût amer de scandale ?
Une chose est sûre : avec sa chevelure en pogo permanent et sa politique en pogo national, Donald Trump restera dans l’histoire comme le seul président américain à avoir transformé la démocratie en un immense concert punk improvisé.
Et comme dirait Johnny Rotten, détourné à la sauce Trump : « I am a politician… and I wanna be anarchy ! »

Connectez-vous ou inscrivez-vous pour commenter => Se connecter ou s inscrire sur Pr4vd4
Leave a Reply
Leave a Reply
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
Commentez cet article de Pr4vd4