Bob, casquette ou chapeau de paille ? Après les pieds, la tête : quand le soleil tape, vos névroses remontent.
Nous avions laissé nos lecteurs en tongs, l’âme en plein courant d’air et les orteils dans l’incertitude existentielle. Mais l’été ne s’arrête pas aux chevilles. Non. Il remonte, sournois, jusqu’au sommet du crâne. Car dès que le mercure dépasse les 25 degrés, une nouvelle angoisse se profile : que mettre sur sa tête pour éviter à la fois l’insolation et l’humiliation sociale ?
Entre le bob du randonneur nostalgique, la casquette du rappeur en fin de carrière et le panama du bourgeois en goguette, le choix du couvre-chef révèle l’âme plus sûrement qu’un divan freudien. Si les tongs nous avaient déjà trahis par le bas, voici venu le temps de la trahison par le haut.
Le bob : manifeste de la résignation élégante
Il fut un temps où le bob était réservé aux pêcheurs à la ligne et aux touristes anglais perdus dans la Drôme. Aujourd’hui, il parade sur les fronts des influenceuses qui se prennent pour Jane Birkin à Mykonos. Le bob, c’est l’anti-mode devenue mode. C’est dire au monde : « Je ne cherche plus à plaire, je cherche juste à survivre. »
Porter un bob, c’est accepter l’inélégance fonctionnelle. C’est choisir la protection plutôt que la séduction. C’est un peu comme avouer qu’on préfère Carrefour à Monoprix : pragmatique, mais socialement révélateur. Le bob vous transforme en champignon urbain, en appendice textile de votre propre médiocrité assumée.
Et puis il y a cette vérité cruelle : le bob vous donne une tête d’œuf. Peu importe vos pommettes, votre regard de braise ou votre sourire carnassier — le bob égalise tout dans la fadeur. C’est le communisme de la beauté. L’effacement démocratique par le textile.
« Le bob, c’est le slip kangourou du crâne », aurait murmuré Coco Chanel en voyant passer une horde de trentenaires en bob Jacque*** à 180 euros sur la Croisette.
La casquette : quand l’adolescence refuse de mourir
Ah, la casquette ! Ce symbole d’une jeunesse qui s’accroche comme un bernard-l’hermite à son ancienne coquille. Porter une casquette après 35 ans, c’est un peu comme garder sa chambre d’ado chez ses parents : techniquement possible, existentiellement questionnant.
Il y a d’abord la casquette de baseball, portée par des quadragénaires qui se souviennent encore de leurs exploits au foot américain du lycée de Neuilly. Ils la portent vers l’arrière, comme s’ils allaient attraper une balle imaginaire ou rapper un freestyle sur le mal-être de la classe moyenne supérieure.
Puis vient la casquette de marque, logo ostensible sur le front. Supreme, Off-White, Balenciaga — autant de noms qui transforment votre tête en panneau publicitaire ambulant. Vous ne portez plus un accessoire, vous êtes possédé par une marque. Votre crâne devient propriété intellectuelle d’un consortium textile.
La casquette trucker, elle, prétend à l’authenticité. Elle veut faire croire qu’on conduit des semi-remorques entre Fresno et Las Vegas, alors qu’on bosse dans le marketing digital entre Châtelet et République. C’est le cosplay du prolétaire par le bourgeois-bohème.
« La casquette, c’est le toupet du pauvre », disait probablement Baudrillard en sirotant un café-clope dans un PMU de Meudon.
Le chapeau de paille : l’imposture champêtre
Voici venu le temps des chapeaux de paille. Panama, canotier, fedora en fibres végétales — tout ce petit monde prétend vous connecter à une authenticité rurale fantasmée. Porter un chapeau de paille en ville, c’est comme mettre un costume trois-pièces pour aller nourrir les poules : techniquement cohérent, symboliquement absurde.
Le panama, d’abord. Né en Équateur (ironie géographique), popularisé par Theodore Roosevelt, récupéré par des publicitaires qui se prennent pour Hemingway en terrasse du Procope. Le panama dit : « Je lis Houellebecq en VO, je bois du rhum arrangé maison, et j’ai des opinions tranchées sur l’effondrement civilisationnel. » Mais il dit surtout : « J’ai les moyens de claquer 200 euros dans un chapeau que je porterai trois fois. »
Le canotier, lui, c’est pure nostalgie. Il évoque les guinguettes, les marinières et Maurice Chevalier. Le porter aujourd’hui, c’est comme danser la valse sur TikTok : techniquement possible, culturellement déplacé. Les hipsters l’ont adopté par ironie, avant de s’apercevoir qu’ils le portaient sincèrement. L’ironie qui se prend au piège de sa propre ironie — méta-tragédie du XXIe siècle.
Sartre, la sueur et le couvre-chef
« L’enfer, c’est les cheveux gras des autres », aurait dit Sartre s’il avait pris le métro ligne 1 un 15 août à midi. Car le couvre-chef d’été pose cette question vertigineuse : vaut-il mieux exhiber son crâne dégoulinant ou le cacher sous un textile qui transforme votre tête en cocotte-minute capillaire ?
La casquette retient la sueur comme un barrage retient l’eau — jusqu’au moment où tout déborde. Le bob absorbe comme une éponge, mais vous donne l’air d’un explorateur perdu. Le chapeau de paille ventile, certes, mais vous transforme en caricature de vous-même.
Et cette phrase terrible, entendue à la terrasse d’un café bio de la rue de Bretagne : « Un homme sans chapeau, c’est un homme sans mystère. » Sauf qu’aujourd’hui, porter un chapeau, c’est comme porter un déguisement. Le mystère s’est évaporé avec l’authenticité.
La casquette Yankees vs le bob Lacoste : lutte des classe(s)
D’un côté, la casquette des Yankees de New York, portée par des jeunes de banlieue qui n’ont jamais mis les pieds au Bronx mais qui connaissent par cœur les stats de Derek Jeter. Elle dit : « Je rêve d’Amérique, de baskets à 300 euros et de réussir dans le rap. »
De l’autre, le bob Lacoste, arboré par des trentenaires qui découvrent le concept de protection solaire après avoir cru que leur peau était immortelle. Il murmure : « J’ai un compte épargne, une assurance-vie et j’achète mes légumes chez Naturalia. »
Entre les deux ? L’abîme social français, qui se mesure maintenant en grammes de coton et en logos crocodiliens.
Que reste-t-il à nos crânes ?
Alors, bob, casquette ou panama ? C’est un peu comme choisir entre Columbo, Tony Montana et le Baron de Charlus. Entre l’efficacité modeste, l’esbroufe déplacée et la prétention cultivée.
Au fond, le couvre-chef d’été révèle votre rapport à la vulnérabilité. Car accepter de protéger sa tête, c’est accepter sa propre fragilité face aux éléments, comme cette chanson de Popa Chubby. C’est reconnaître que malgré nos smartphones, nos climatiseurs et nos crèmes SPF 50, nous restons des primates nus face au cosmos.
Si les tongs nous avaient appris que « le pied libéré, c’est l’esprit ventilé », le couvre-chef nous enseigne l’inverse : parfois, se couvrir, c’est se révéler. Car entre la tong qui expose tout et le chapeau qui cache tout, l’été dessine nos contradictions.
Comme le disait un sage anonyme, probablement chauve, accoudé au comptoir d’un bar PMU climatisé : « La tête couverte, c’est l’ego découvert. »
Et vous, où en êtes-vous dans votre cartographie estivale du ridicule ? Tongs aux pieds, bob sur la tête, à naviguer entre l’exhibition et la dissimulation ? En casquette Supreme au Bon Marché, pieds nus dans des Birkenstock ? En panama sur les Champs-Élysées, en sandales spartiates, à chercher l’ombre d’un prestige évanoui ?
Peu importe. L’été finira. Les cheveux repousseront, les orteils se cacheront. Et l’automne ramènera avec lui le droit au bonnet et aux chaussures fermées — ces autres névroses, mais ça, c’est une autre histoire.
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(c) Ill. têtière : Pr4vd4.net

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