Sous 35°, la tête devient une surface stratégique. Chapeau de paille ou casquette ? Chaque choix vous inscrit dans une carte sociale aussi lisible qu’un QR code de festival.
La canicule ne pardonne pas. Elle assèche les gorges, dilate les tempes, et expose les crânes au jugement populaire. Alors on se couvre. Mais pas n’importe comment. Car ce qui trône sur votre tête n’est plus un simple accessoire de protection solaire. C’est une carte de visite. Un manifeste textile. Une déclaration sociale en rafia ou en coton bio. Votre couvre-chef, c’est vous. En version résumée.
Le chapeau de paille : filtre vintage ou imposture champêtre ?
Prenons le chapeau de paille. Il flotte entre le charme suranné et l’algorithme Instagram. Il évoque le romantisme bucolique, les champs de lavande, les robes blanches longues et les shootings improvisés avec des fruits secs. Mais il est rarement là pour protéger. Trop léger, trop large, trop décoratif. Il s’envole au moindre mistral, se plie dans les valises, se tord sous les regards. Il est fragile, comme l’image qu’il veut renvoyer : naturelle mais filtrée, champêtre mais posée, simple mais à 95 euros sur un site qui vend aussi des tote bags en lin bio.
C’est le chapeau des influenceuses en quête d’authenticité sponsorisée. Le chapeau de paille dit : je suis proche de la terre, mais j’ai un code promo. Il est à la mode, mais seulement dans des contextes très précis : marchés provençaux, festivals « slow life », ou terrasses où l’on mange de la burrata à la cuillère en bois. Trop d’écart par rapport à ce décor, et il bascule dans le ridicule. Mis hors contexte, il fait touriste allemand à la plage de Palavas. L’entre-deux est instable. Comme la paille synthétique qui le compose souvent.
La casquette : pragmatisme textile ou snobisme déguisé ?
De l’autre côté, la casquette. Elle ne prétend à rien d’autre qu’à couvrir. Elle protège les yeux, les idées, les regrets de la veille. Elle est directe, brute, universelle. Elle dit : j’ai chaud, j’ai la flemme, mais je gère. C’est l’objet des papas en mode barbecue, des festivaliers qui dorment en van, des ados qui n’ont pas encore trouvé leur visage. Elle s’enfile, se jette, se perd. Parfois elle revient avec une odeur de bière tiède et de poussière. Mais elle reste fidèle. C’est un accessoire loyal, comme un ami d’enfance devenu chauffeur VTC.
La casquette, c’est aussi l’apanage du style normcore repêché par les influenceurs mode. Casquette blanche avec logo minimaliste, visière légèrement recourbée, positionnée au millimètre. Derrière l’apparente négligence se cache un doctorat en pose naturelle. Certains la portent à l’envers, façon années 90, pour faire croire à une rébellion. D’autres choisissent la version dad cap, sans comprendre que ce terme est une provocation générationnelle. Il y a ceux qui l’achètent à 7 euros dans une station-service, et ceux qui lâchent 180 pour une casquette Balenciaga en coton recyclé qui ne protège même pas de la pluie.
Chapeau ou casquette : que dit votre crâne de vos choix politiques ?
Indiana Jones avait un chapeau. Il traversait les temples, les gouffres, les pièges, sans jamais le perdre. Car pour lui, le couvre-chef n’était pas une coquetterie. C’était l’aventure. À l’opposé, Peaky Blinders a réhabilité la casquette comme totem viril : celle qu’on ôte juste avant de casser des mâchoires. Entre les deux, il y a nous. Perdant notre casquette à vélo, écrasant notre chapeau dans le coffre, hésitant entre une visière de tennisman ou un bob collector de festival. Nous sommes l’intervalle entre les icônes et les fail vidéos.
Certaines casquettes coûtent plus cher qu’un loyer. Certaines pailles sont tressées à la main par des communautés que personne n’interroge. Derrière chaque choix, il y a une posture. La casquette, c’est mon armure urbaine. Mon chapeau, m’évite de tourner du chapeau. Ma tête, c’est mon festival.
Et quand on n’a ni l’un ni l’autre, on plisse les yeux, on se cache sous un tote bag, et on fait semblant d’aimer la chaleur comme un vrai. Mais on n’est plus dupe : même notre transpiration a un style.
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(c) Ill. têtière : Andre Furtado

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