À Paris, il y a les salons de thé, les salons littéraires, les salons de l’agriculture… et puis il y a ces salons discrets, sans nom évocateur, souvent tapis dans l’ombre d’un porche bourgeois ou derrière une vitrine semi-occultée, où l’on vient, non pas tant pour se faire masser, que pour s’assurer qu’on est encore vivant. Le massage pour hommes, ce territoire flou entre bien-être et embarras civique, mérite un petit guide d’orientation.
Choisir son salon de massage pour hommes n’est pas une mince affaire, surtout lorsque l’offre parisienne ressemble à un annuaire crypté, oscillant entre l’ésotérisme tantrique et le pragmatisme asiatique. Le bon salon, comme un bon roman de gare, ne se juge pas à sa couverture mais à sa capacité à vous faire oublier que vous êtes là pour ça.
Premier critère : la discrétion. Inutile de chercher un néon rose avec un nom de fleur thaïlandaise. Le vrai connaisseur se fie aux rideaux tirés à moitié, à l’accueil presque suspicieux, à la sonnette qu’on n’entend pas mais qui ouvre quand même. La porte d’entrée doit évoquer l’ambassade d’un micro-État, pas un lieu de loisirs. Si vous êtes reçu comme un agent double, c’est bon signe.
L’hygiène, ensuite. Elle se mesure non pas à la blancheur du sol, mais au parfum louvoyant entre eucalyptus et désodorisant Carrefour. Une serviette changée est une attention. Une serviette humide est une promesse. Une serviette tiède est un indice. On ne vous dira jamais assez que la propreté est une convention sociale comme une autre, mais dans ce cas précis, elle vaut certificat de confiance.
« The message is the massage, the massage is the message« . McLuhan était musicien…
Vient le design de la boutique, ou du moins ce qui en tient lieu. Si l’intérieur ressemble à un salon Ikéa de 2011, fuyez. S’il évoque un temple hindou en PVC, restez. Le mauvais goût est ici gage d’expérience. Une Vierge Marie kitsch en vitrail, une fontaine sans eau, un aquarium vide ou un poster de bouddha au-dessus d’un micro-ondes : tous ces éléments kitschouille indiquent que vous êtes bien dans un lieu où l’esprit occidental vient se détendre sous les mains d’un monde plus souple.
La technique du massage est une autre affaire. Elle ne se reconnaît pas au vocabulaire proposé, souvent très confus, mais à la manière dont la praticienne (ou praticien, ou… disons le corps en face) s’attaque à vos tensions. Si le massage commence par les épaules et finit par une discussion sur votre signe astrologique, vous êtes peut-être chez une ancienne étudiante en naturopathie. Si cela commence par un silence prolongé et se poursuit par des gestes fermes et décidés, vous êtes sur la bonne voie. Pas celle de la sagesse, mais bonne quand même.
Le point crucial, celui qui rend toute cette entreprise à la fois fascinante et absurde, c’est la facilité de la négociation. Tout est dans l’implicite. Posez trop de questions et vous serez raccompagné poliment. Ne posez aucune question et vous passerez à côté de quelque chose. L’art consiste à faire comprendre ce que vous attendez sans jamais le dire. Un haussement de sourcil, un soupir au moment stratégique, une hésitation prolongée avant le mot “relaxant”… Ici, la communication non-verbale est reine, et la gêne une monnaie d’échange.
Quant à la qualité et au type de finition, parlons-en sans en parler. Sachez seulement que “finition” n’a jamais été un terme officiel du massage thérapeutique, et que si l’on vous le propose d’emblée, vous êtes dans un salon commercial, pas spirituel. Certaines finitions sont artistiques, d’autres mécaniques, d’autres encore philosophiques. Cela dépend du tarif, de votre attitude, de la météo, de l’humeur du jour. Le massage est un art du moment.
Enfin, le prix. Trop bas, vous repartez avec une douleur supplémentaire dans votre bourse (à conjuguer au pluriel, certes). Trop élevé, vous venez de financer un réseau sans même vous en douter. Le bon tarif est celui qui vous fait douter d’avoir payé trop ou pas assez. Comme l’amour tarifé ou un dîner gastronomique, c’est une question de foi.e.
Le vrai salon, celui qu’on recommande sans jamais le nommer, est une légende urbaine. Il n’apparaît pas dans les guides, mais dans les conversations à voix basse entre deux hommes pudiques. Il n’a pas d’adresse, mais une réputation. Il n’est jamais là où on le cherche, mais exactement là où il faut quand on n’en peut plus.
Chez Pr4vd4, nous ne faisons que poser les questions. À vous de sentir les réponses. Peut-être au bout des doigts. Peut-être ailleurs.
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(c) Ill têtière : Michael Jamet

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