« Modigliani / Zadkine. Une amitié interrompue », présentée au musée Zadkine, cherche à éclairer les interstices de l’histoire de l’art, en exhumant les complicités enfouies sous le tumulte des avant-gardes. À travers un dialogue plastique particulièrement allégé, elle ressuscite la rencontre de deux figures majeures de l’École de Paris, unies par une fraternité artistique aussi brève qu’intense.
Dès l’entrée, le visiteur est plongé dans le Montparnasse des années 1910, où Zadkine et Modigliani, étrangers fraîchement installés à Paris, s’efforcent de conquérir leur place dans la modernité. L’accrochage met en exergue l’aspiration sculpturale commune des deux artistes : Modigliani, sous l’influence de Brancusi, délaisse progressivement la peinture pour ciseler dans la pierre des figures longilignes inspirées des arts premiers ; Zadkine, lui, s’inscrit d’emblée dans la taille directe (en fin d’exposition, dans l’atelier, voir une figure taillée dans du poirier) et explore une plastique anguleuse où se devine déjà sa singularité. Leur proximité transparaît avec force dans les œuvres de cette première section : les visages ovales et hiératiques de Modigliani trouvent un écho dans certaines têtes sculptées par Zadkine au début des années 1920.
La guerre impose la rupture. Modigliani, de santé fragile, est réformé et abandonne définitivement la sculpture pour la peinture, tandis que Zadkine s’engage comme brancardier et en revient blessé. Dès lors, leurs trajectoires divergent irrémédiablement. Cette bifurcation est appuyée par les dessins et les peintures de Modigliani, aux corps sculptés par la lumière et à la sensualité affirmée, s’opposant aux gouaches de Zadkine où transparaît l’expérience du chaos et du traumatisme.
Modigliani et Zadkine, une fraternité sculptée dans la modernité
Plus loin (mais guère plus loin compte tenu de a surface consacre à l’exposition), les portraits réalisés par Modigliani – Max Jacob, Chana Orloff, André Salmon – témoignent d’une époque où la bohème montparnassienne se retrouvait à La Rotonde ou au Dôme, dans une effervescence qui ne se devinait pas encore tragique. Parmi eux, le célèbre portrait de Zadkine par Modigliani, chef-d’œuvre absolu de concision et d’intensité, apparaît comme le vestige d’une amitié que le temps n’a pas su préserver.
Mais le dialogue ne s’arrête pas à la mort prématurée de Modigliani. Une dernière section s’attarde sur la construction du mythe. Zadkine, parmi d’autres, participe activement à la diffusion de la légende du « prince de Montparnasse », évoquant son ami disparu dans des textes et entretiens où transparaît une émotion non feinte. Des extraits de documents d’époque soulignent l’ampleur de cette postérité romancée, où la figure de Modigliani oscille entre malédiction et génie. Zadkine, de son côté, poursuit son propre chemin, mais conserve toujours en lui la mémoire du camarade disparu.
L’exposition se clôt sur une évocation du « temple de volupté », projet utopique de Modigliani, où ses sculptures devaient dialoguer dans un espace sacré. Zadkine, à sa manière, prolongera cette vision avec ses cariatides puissantes, figures totémiques qui jalonneront sa carrière. Ce final rappelle combien leurs aspirations sculpturales, bien que contrariées, ont persisté comme un fil rouge souterrain.
En définitive, « Modigliani / Zadkine. Une amitié interrompue » dépasse la mise en regard de deux œuvres pour restituer le souffle d’une époque, la fulgurance d’une amitié et la beauté d’un dialogue jamais totalement éteint, mais reste phagocytée par la taille de l’exposition dans laquelle, il faut l’avouer, il y a peu à voir.

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